vendredi 21 février 2014

Lecture : Les Enfants de la Terre

Les Enfants de la Terre, de Jean M. Auel

Ce roman fleuve (3382 pages) comporte pour l'instant 6 volumes. Ce n'est pas un chef d’œuvre de littérature mais il a quelque chose à voir avec ce désir de marcher qui me touche comme il touche nombre de mes contemporains.

Les aventures d'Ayla et Jondalar, les héros Cro-Magnon de ce livre, nous rappellent que nous marchons depuis que l'homme s'est mis debout. Homo Erectus, leur ancêtre, a élevé son crâne et ses bras du sol afin de mieux voir, cueillir puis chasser. Il a été le premier hominidé, il y a plus de 1,5 millions d'années, à pouvoir marcher sur de longues distances jusqu'à pouvoir migrer hors de son Afrique originelle. Ayla et Jondalar ajoutent une quête intellectuelle à ces besoins : le retour aux origines à travers une longue randonnée qui les mène de la Crimée au Périgord, selon les termes géographiques actuels. Cela fait des kilomètres !

A l'inverse, nous qui sommes sensés avoir trouvé nos repères et la sécurité matérielle, prenons un certain plaisir, plus ou moins conscient, à rechercher l'assouvissement des besoins primordiaux mis à l'écart ou transformés par notre époque de confort et d'accumulation. Trouver un abri, trouver à boire et à manger, allumer un feu, interpréter les signes du ciel. Évidemment, certains de ces besoins ne se traduisent pas par leur expression originelle. Moi, randonneur de l'ère informatique, je vais observer et admirer les animaux sans me sentir obligé de leur envoyer une sagaie dans le ventre.

Ce qui peut être plaisant pour le randonneur individualiste que je suis, c'est que le roman parle beaucoup et d'une façon optimiste de la rencontre de la différence, ce qu'on appelle un peu pompeusement aujourd'hui l'altérité. Celle-ci tient une grande place dans les livres d'Auel, comme pour prouver encore que rencontrer les autres et apprendre à les comprendre est une partie capitale de notre quête car elle aide autant à avancer qu'à s'élever intérieurement. Et pour rencontrer, il faut bouger ! Si cela pouvait nous aider à exorciser certaines peurs qui ne nous ont pas quittées depuis la préhistoire, un nouveau grand pas serait franchi pour l'humanité marcheuse.
  • Quelques extraits :

Où Ayla monte un Tarp (La vallée des chevaux, tome 2 page 8)

<< Après avoir défait les courroies du panier qu'elle portait sur le dos, Ayla le posa par terre, puis elle en retira une lourde peau d'aurochs et une branche débarrassée de ses rameaux. Avec la peau d'aurochs, elle dressa une tente basse et pentue, maintenue sur le sol par des pierres et des morceaux de bois flotté, et elle se servit de la branche pour y ménager une ouverture. >>

Où Ayla optimise son feu de bois (La Vallée des chevaux, tome 2, page 233)

<< En général, les branches mortes qui se trouvaient à la base des pins restaient sèches même quand il pleuvait à verse et celles du pin rabougri qui se trouvait près de son campement ne faisaient pas exception à la règle. Ayla emportait toujours avec elle les écorces et herbes sèches dont elle avait besoin pour allumer un feu et, avec son silex et sa pyrite de fer, elle eut vite fait de les enflammer. Au début, elle alimenta son feu avec des brindilles et des petites branches, disposant les branches humides au-dessus du foyer pour les faire sécher avant de les utiliser. Grâce à cette méthode, elle pouvait faire du feu même quand il pleuvait, à condition qu'il ne s'agisse pas d'une pluie diluvienne. >>

Où Ayla souligne l'importance de l'hygiène pour le bien-être (Les chasseurs de Mammouth, tome 3, pages 93 et 94)

<< Elle avait prévu de se rincer la bouche et de laver son visage et ses mains. Elle se demandait comment s'y prenaient ces gens pour se nettoyer. Quand elle ne pouvait faire autrement, si la provision de bois était enfouie sous la neige, si le vent faisait rage dans la caverne, ou si l'eau était gelée au point qu'on avait peine à en casser suffisamment, même pour boire, elle pouvait se passer de se laver mais elle préférait être propre.
...
Ayla s'avanca vers le bassin, y entra, brisant la glace parfaitement unie qui le recouvrait. Elle retint son souffle sous l'effet d'un violent frisson, s'accrocha d'une main à une branche squelettique du bouleau nain pour conserver son équilibre en avançant dans le courant. Un coup de vent glacial fouetta sa peau nue, qui se hérissa de chair de poule, et lui rabattit les cheveux sur la figure. Elle serra les dents, s'aventura en eau plus profonde. Lorsqu'elle en eut jusqu'à la taille, elle s'aspergea le visage avant de s'accroupir pour s'y plonger jusqu'au cou, non sans reprendre convulsivement son souffle.
Elle était habituée à l'eau froide, mais bientôt, se disait elle, on ne pourrait plus se baigner dans la rivière.
En retrouvant la rive, elle s'essuya rapidement des deux mains, s'habilla vivement. Une chaleur qui lui fouettait le sang ne tarda pas à remplacer le froid engourdissant, tandis qu'elle remontait la berge. Elle se sentait renouvelée, vivifiée, et elle sourit quand un soleil las émergea un instant victorieusement d'un ciel couvert. >>

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