vendredi 23 août 2013

5 jours en Haute-Tinée et Alta-Val-Stura

Voici un compte-rendu de mon périple sur les hauteurs Mercantouriennes entre France et Italie, réalisée du 19 au 23 août 2013. 62 km en 4 jours 1/2 exactement, dont un jour et demi accompagné par deux copains du Forum MUL: l'honorable Domweb avec qui j'ai grimpé le Mont Ténibre, et l'honorable Shanx avec qui je n'ai pas plongé dans l'eau froide d'un lac.

Le parcours est disponible sur Openrunner
Ce fut un parcours alpin, très sportif, avec longues montées parfois rendues plus difficiles par la chaleur, pierriers et amoncellements de rochers. Un seul passage de longs névés raides mais heureusement à la surface molle au Pas du Corborant. Le parcours tracé sur Openr. n'indique "que" 1200 mètres de déniv. positifs par jour les quatre premiers jours, la dernière matinée étant une descente. Pourtant mes efforts essoufflés disaient plus, parfois.
Les paysages furent admirables, évidemment, d'autant plus qu'avec le décalage des saisons la montagne d'août exhibait les habits fleuris et papillonesques de juillet tandis que les ruisseaux et les torrents jaillissaient comme en juin en certains endroits.
Après les moments de pure amitié passés avec les deux camarades MUL, les autres rencontres ne me déçurent pas, sur des sentiers qui ne ressemblaient pas aux "autoroutes" de la vallée des Merveilles. Mon choix de faire les repas et les bivouacs seuls y fut pour quelque chose puisqu'il me permit d'apprécier pleinement les rencontres fortuites ou les cafés avec tartelettes pris dans les refuges italiens ou français. Plaisirs désuets et pleins de valeur, avec parfois le regret de parler dans une langue différente et de ne pouvoir dépasser le stade des regards échangés. En parlant de langue, j'ai mis quelques heures italiennes à réaliser que dans cette partie du Piémont, on salue les marcheurs par un Salve ! et non par un Ciao. Les dialectes sont occitans par ici (bien que Salve soit une formule bien italienne, comme je l'ai appris depuis peu).

Etapes
1. Parking de Vens – lac Chaffour - 18,5 km
2. Lac Chaffour – Laghi Lansfero - 6,6 km
3. Laghi Lansfero – Comba di Schiantala - 15,7 km
4. Comba di Schiantala – lac de Fourchas - 13,3 km
5. Lac de Fourchas – parking de Vens - 8,5 km

Récit et photographies
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La première montée longe le torrent de Vens.
Il faut être visiblement idiot pour porter une poche d'eau pleine dès le départ. Je dois l'être tongue ,
certainement à cause de l'équation fatale : angoisse de l'inconnu + fraîcheur physique du départ = poids.


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Un des lacs de Vens. Dans ce décor paradisiaque, on lâche tous les ans quelques milliers de truitelles
pour assouvir la faim des pêcheurs.



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Jonction réussie avec Shanx qui a eu le temps d'arpenter le secteur en nous attendant.
Cascade d'eau et de belles images.


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Domweb, avec qui je marche depuis le départ, tourne le dos au lac des Babarottes.
Le massif du Mercantour, malgré son aspect souvent aride, abrite de très nombreux lacs.


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Sur le chemin de l'énergie, Domweb et Shanx se donnent à fond (normal...).
Ce chemin, tracé pour les besoins de la production électrique d'avant-guerre, surplombe la vallée de la Tinée et à l'avantage d'être plat sur 8 km.


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Moi-même et Shanx, toujours sur le chemin de l'énergie.
J'ai outrageusement piqué 2 photos à Domweb pour en faire un montage.


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Nous arrivons en vue de la maison EDF de Rabuons (le refuge est derrière la crête). Au fond les sommets qui constituent la frontière avec l'Italie :
Rabuons, Ischiator, Corborant. Des noms qui me font rêver depuis quelques mois et qu'un printemps pourri a tenus éloignés.


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Au pied de la tête des Chalanchas (2978 m), le lac de Rabuons se vide doucement, en vue de l'aménagement d'une conduite
qui alimentera une petite usine hydro-électrique, en bas, dans la vallée de la Tinée.


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Le bivouac au bord du lac Chaffour (2620 m) où nous avons connu les températures les plus basses : 5°C dans la nuit.
C'est un camp de base idéal pour monter le lendemain vers le Ténibre ou vers les nombreux autres sommets environnants.


Dominique et Guillaume, alias Domweb et Shanx.




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Le bain de nature ne suffit pas au plus jeune d'entre nous. A l'heure mélancolique qui précède le soir, il faut qu'il plonge encore.
Trop froid pour moi – contempler les ondes parcourant la surface argentée me suffit. Tragique métaphore de notre différence d'âge.


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Mardi matin. Tandis que Shanx, bravant à sept heures tintantes les ténèbres matutinales pour tenter de tâter du Ténibre, Domweb et moi dormons encore et attendons neuf heures pour grimper sur les flancs du dit Mont, en même temps que disparaissent les brouillards de la nuit. En bas : le lac de la montagnette (2750 m). Au fond vers l'est : le Grand Cimon de Rabuons, encore enrubanné.


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Depuis le Pas de Rabuons, vue sur le Piémont avec au fond le magnifique et géant Monte Viso.
Fans du Seigneur des Anneaux, venez-ici, on s'y croirait.


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Le sommet du Mont Ténibre (3031 m).
On aperçoit les pistes de la station d'Auron, le Mont Mounier (derrière le Cairn), et le lac Fer en bas à droite.






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Vers le nord : le Queyras (si je ne me trompe pas). Ça doit être bien là-bas.
"Hé ! Mais pourquoi cette envie de toujours vouloir aller vers l'horizon ?
Avec un grain de sagesse, apprends donc à savoir apprécier le moment présent et la beauté de l'endroit où tes pieds se posent !"
Oui, quand je manque d'oxygène j'ai un autre Moi qui me parle. Il est parfois chiant mais certaines fois il n'a pas tort.


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Comme toujours, la descente est un peu plus délicate que l'ascension (question escalade il y en a un peu, on s'agrippe avec les mains sur vingt à trente mètres). Domweb a renoncé à son projet de descendre le Ténibre par l'autre côté et il assure un retour par le chemin de l'aller.
Nous ne savons pas ce qu'est devenu notre jeune et intrépide camarade (et vaillant, pendant qu'on y est), mais nous sommes certains que nous le retrouverons au lac de Chaffour. Ce sera le cas.


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Après avoir quitté à regret les potes MUL, je pars seul et m'attelle à rejoindre le pas du Corborant à travers de gros pierriers puis de grands névés très raides mais heureusement peu glissants, du fait de la fonte de leur surface. Seul le dernier, là-haut, pose un vrai problème tellement il est pentu.
Le problème est résolu par son contournement, grâce à l'escalade de rochers taillés en escaliers. Un niveau T4 donc, qui aurait pu être T5 si les névés avaient été glacés. Arrivé au Pas assez fatigué, je renonce à grimper le Corborant proprement dit pour glisser (c'est le cas de le dire à cause du terrain terreux qui s'éboule) vers l'Italie.


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Laghi Lansfero, pour un deuxième bivouac près d'un lac bleu turquoise. Pas de moustique, de l'eau propre, le torrent pour se désaltérer, et le calme autour de ce joyau contrastant avec l'écrin vert-de-gris dans lequel il est inséré. J'apprécie, après une longue pente d'éboulis rocheux.


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Découvert par hasard en cherchant le lieu de bivouac, à l'abri d'un creux de rochers, ce petit oratoire dédié à Saint François d'Assise. Touchant et typique de la religion romaine, qui s'immisce dans la nature et dont les pratiquants reproduisent plus qu'ils n'occultent les anciennes croyances.
François étant un pote des animaux, je le salue et plante ma tente près de lui.


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La ouate circule librement dans l'espace du matin, l'air est pur et je repars après un déjeuner copieux et que je trouve excellent :
130 grammes de crème de céréales dans 4 à 500 ml d'eau chaude dans laquelle j'ai jeté des morceaux de dattes, figues, raisins secs, noisettes.


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Dans le vallon de San Bernolfo, plus bas, je retrouve la verdure et une piste descendante. Là, mes pieds souffrent car depuis la veille mes talons se sont transformés en grosse ampoule. Je marche sur un coussin d'eau, soit, mais c'est douloureux. Finalement, se méfier des chaussures neuves, même souples et légères, et surtout Goretex.


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Le hameau de San Bernolfo (1700 m). Pas de commerces mais un refuge.


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Au refuge de San Bernolfo, la jeune employée ne parle pas français, contrairement à beaucoup de gens de la région et son anglais est pire que le mien. Mais la tarte est bonne.


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La vache Piémontaise est aussi placide que sa viande est bonne, paraît il. Il vaut mieux qu'elle ne sache pas ce qui l'attend.

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La Joubarbe des toits, petit feu d'artifice.


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Peu de photos du Monte Laroussa (3007 m). En voici deux faites depuis le sommet.
Le paysage est immense et j'ai encore la chance de profiter du soleil. Il fait d'ailleurs un peu chaud dans les montées (jamais content ces français tongue ). C'est le seul tronçon (San Bernolfo - Refugio Migliorero) au cours duquel je n'ai pas trouvé d'eau.



Le refuge du Migliorero (2094 m), étonnamment placé et lieu de rendez-vous du Club Alpin Italien depuis les années 1930.
Je m'y arrête pour m'y reposer un peu. Comme souvent, je repars en fin d'après-midi, à l'heure ou la plupart des randonneurs sont déjà arrivés, douchés, attablés devant un verre.


Au Passo di Rostagno, je marche sur le parcours de la Via Alpina.
5000 km en plusieurs parcours ! De quoi rêver.


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Bivouac dans la Comba di Schiantala, près de la rivière. Les ficelles réfléchissent sous l'effet du flash.
Moi je réfléchis aussi, mais à la façon de manger avant la tombée de la nuit. Ce sera trop tard pour ce soir, malgré les journées encore longues.
La Big Agnes est très large, un vrai palace pour une personne et son matériel. Je voulais une paroi moustiquaire, c'est fait.
Et puis c'est tout. Je ne jugerai cette tente qu'après l'avoir utilisé sous la pluie et l'avoir soumise au vent.




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Le patron du refuge Zanotti, intarissable lorsqu'il raconte l'histoire de son établissement et de son passé de montagnard.
Heureusement il s'adresse à moi en français. Il rigole quand je lui réclame un caffè francese (donc méga-super allongé par rapport à l'italien).
Il est de ceux qui ont balisé les voies de randonnée vers les grands sommets avec de la peinture rouge, comme au Ténibre.


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Gravissant à nouveau les pentes qui mènent aux crêtes-frontière, je commence à rencontrer ce genre de ferraille jonchant le sol, reliques datant de 1937 environ. Depuis 2001, un long nettoyage est en cours dans les deux pays. Je suis au pied du mont Peiron. Aucun problème pour trouver des spots de bivouac, car sur tout le parcours, entre les pentes d'éboulis, il y a des dépressions quasiment plates et herbeuses.


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Des casemates plus ou moins en ruine parsèment le massif du Mercantour, sur cette crête-frontière et dans d'autres endroits stratégiques.


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Un tout petit détour me conduit, en suivant la ligne invisible – qu'elle le reste – de la frontière, à la cime des blanches (2762 m). C'est un demi-dôme très facile à gravir et d'où la vue est splendide de tous côtés.


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Au pas des Blanches, c'est véritablement là que je bascule vers la fin de ma rando, après un dernier regard sur ces petites crêtes situées en Italie. Mais comme je l'ai écris, au diable les frontières. Il y a dans les cimes comme un air de légèreté où l'Être rêve qu'il n'y a plus d'Avoir. Je suis ici non pour m'évader mais pour me pencher à une fenêtre donnant sur le réel, pour connaître une métamorphose qui est l'inverse de celle qui nous mène à l'état d'insecte sur le dos dans le monde "du bas". Je laisse passer les vents, je suis humain, debout, et ma tête est bien du côté du ciel.




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Les abstractions me quittent dans la descente vers le refuge de Vens, bien qu'elles ne soient pas incompatibles avec la perspective d'un verre de bière à condition qu'il soit frais. Je vois en face une dépression (rien à voir avec les réflexions précédentes) qui m'accueillerait bien ce soir.



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Oui, le dernier bivouac, je le trouve au bord du lac de Fourchas, au pied du grand Claï supérieur (2982 m). Il est sur la voie qui traverse plus loin la brèche Borgonio et les lacs de Ténibre. C'est facile car relativement fréquenté, la trace est donc visible au bord du ruisseau ou repérée par des cairns. Sur la carte 1/25 000ème, c'est le trait bleu matérialisant les parcours de ski de randonnée.
Mauvaise surprise ici, des moustiques tigres trouvent comme moi une occasion de pique-nique. Sauf que leur pitance, c'est ma personne.




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5839_tour_du_tanibre-113.jpgLa série Flore pour mettre un peu de couleur à ce récit : Marguerite des Alpes, Aconit et œillets négligés.


L'Ecaille chinée


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